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As-tu déjà senti ton refuge se transformer en piège, sans prévenir ?
C’est ce qui m’est arrivé avec le shakuhachi.

Je viens de traverser un de ces épisodes de doute.
Et en y regardant de plus près, maintenant que la tempête est passée, c’est devenu évident : ce n’était pas seulement une leçon de musique, c’était aussi une leçon de vie.

Tandis que j’écris ces lignes, je savoure l’accalmie, en sachant très bien que tout ça me rattrapera à nouveau, tôt ou tard.
Alors semons ensemble quelques petits cailloux — à la manière d’Hansel et Gretel — pour retrouver notre chemin quand le vent se lèvera à nouveau.

Si tu préfères m’écouter raconter tout ça, posée sur mon fidèle tatami, emmitouflée dans ma couverture avec un rhume en prime…
➡️ Regarde la vidéo ici.

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Le grand pivot de l’Okuden

Tout avait pourtant bien commencé.
J’avais un super rythme de croisière. Avec mon « Chuden » (niveau intermédiaire) en poche, me voilà propulsée dans l’étude avancée, le niveau “Okuden”, avec des étoiles plein les yeux.

Enfin… jusqu’à ce que les étoiles se prennent les pieds dans le tapis (le fameux tapis de la vie, tu te souviens ?).
Tout à coup, je suis tombée de mon petit nuage rose. Une évidence s’est imprimée dans mon esprit confus :
« Maintenant, c’est fini la rigolade. »

Amis du perfectionnisme exacerbé, bonjour !
Je me suis mise à penser que je devais montrer une progression permanente, prouver que je travaillais dur, commencer à choisir les morceaux de mon premier récital — oui, parce qu’il y a un récital pour obtenir l’Okuden, et moi, les gens, tu sais bien…

Bref : panique à bord.
Je me suis lancée à corps perdu dans une guerre… qui n’avait plus rien à voir avec ce que j’étais venue chercher dans la musique.

La perte du sens

Le shakuhachi, on ne le force pas.
C’est ce que j’aimais tant chez lui : il m’obligeait à voir ce qui était là, maintenant, parce que je n’obtiendrais rien d’autre, quoi que j’essaie (négociations, menaces, rage, supplication… je te jure, cette flûte est impitoyable).

Donc, ce qui était mon ancre et mon souffle est devenu une source de frustration.
Je me suis retrouvée à me demander :
« Mais pourquoi est-ce que je fais tout ça, au fond ? »

Je n’ai jamais voulu être une virtuose.
Jamais voulu impressionner une salle comble (ni même une salle vide, honnêtement).
Je voulais simplement accueillir le son, tel qu’il est.
Je voulais que la musique soit un espace pour respirer, pas une course contre moi-même.

Peut-être que toi aussi, tu as connu ce moment où ce que tu aimais devient tout à coup une obligation…c’est pas marrant.

Le miroir de l’école

Dans cette tempête intérieure, une autre question s’est glissée :
Suis-je vraiment à ma place dans une école qui forme des musiciens destinés à la scène, à l’enseignement ?

Moi, je cherche un chemin contemplatif.
Une danse avec l’instant.

Heureusement, mon professeur m’a tendu un miroir différent :

« Tout ce que tu fais peut devenir une méditation, si tu y poses la bonne intention. »

Ces mots m’ont apaisée.
Mais ce n’était pas encore la clé.

La lumière au bout du tunnel

L’évidence est venue plus tard.
Quand j’ai compris que ce n’était pas à moi de décider si j’étais “prête” ou “pas prête” pour passer à la note suivante, au morceau suivant, au niveau suivant.

Ce regard de juge intérieur, il fallait s’en séparer.
Ce n’est pas mon rôle de savoir tout ça, encore moins de le décider.
J’ai un maître, un guide pour marcher avec moi.
C’est lui qui donne le rythme et qui indique la route.
Il sait où l’on va, alors que moi, je n’en ai pas la moindre idée (même si ma petite voix intérieure HURLE qu’elle, elle sait !).

À partir de ce moment, j’ai décidé :

  • de lâcher la pression,
  • d’avancer même si je ne me sens pas prête,
  • de faire confiance.

Si mon professeur estime que je peux passer à l’étape suivante, alors… je passe.
Point.

Depuis, tout est devenu plus fluide.
Un peu comme une rivière qui reprend son cours après un éboulement. Pfiou!

Une leçon à garder

Ce que je veux garder à cette étape de mon apprentissage, c’est l’importance de la forme : le contenu viendra plus tard.

C’est très japonais comme approche.
Avant de chercher à « faire joli », il faut d’abord apprivoiser son instrument, en profondeur.

Dans la culture japonaise, on accorde une grande valeur au respect des étapes :
être présent au cours, persévérer, apprendre avec patience — tout cela fait partie de la musique.

Les morceaux ne sont que des prétextes pour travailler la forme, un terme qui reprend à la fois la technique et les habitudes qui accompagnent l’acte musical.
Le contenu, dont la maîtrise fait partie, viendra naturellement plus tard, quand il sera temps d’entrer pleinement dans la musicalité.

(Et si toi aussi tu avances sur un chemin d’apprentissage, peut-être que cette approche t’apportera un peu plus de légèreté…)

Ce qui compte, ce n’est pas de tout réussir tout de suite. C’est de nourrir, patiemment, cette petite flamme de joie, parce que c’est elle qui éclaire le chemin sur la longue route de l’apprentissage.

Conclusion

Soyons réalistes, le doute reviendra.
Il frappera à la porte, comme un vieux fantôme obstiné.

Mais je saurai où revenir : ici.
À cette étape du voyage où j’ai posé un fardeau que je n’aurais jamais dû endosser, pour faire confiance à mon guide et au chemin.

Et toi aussi, si tu te perds un jour, n’oublie pas : il y a toujours, quelque part, des petits cailloux pour te ramener à toi-même.

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